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Le dropshipping : un truc de beauf ?

« De zéro à 1 000 000€, formation complète ! », « 370 000$ en un mois ? Je dévoile mes chiffres ! », « 10 000€ en 30 jours »… Tous ces titres bien alléchants proviennent de vidéos YouTube faisant la promo du dropshipping, une technique de vente en ligne née au début des années 2010, et qui continue de faire des adeptes. Mais tout ceci est-il bien sérieux ? En quoi consiste exactement le dropshipping ? Cette promesse de richesse facile tient-elle la route ? Spoiler : non.

C’est quoi le dropshipping ?

Sa fame démarre début 2010 : le dropshipping est une forme de commerce en ligne qui supprime une étape dans la chaîne commerciale classique, avec l’idée sous-jacente de réaliser des marges de folie et de s’en mettre plein les poches (quasiment) sans rien faire.

Comment ça fonctionne ? En pratique : il suffit d’ouvrir une boutique en ligne sur une plateforme dédiée (la plus connue étant Shopify), de proposer des produits à la vente (généralement vendus par de grandes entreprises d’export situées à l’autre bout du monde) et d’attendre que des commandes soient passées. Car c’est seulement une fois qu’une commande est validée que le « dropshipper » achète le produit de son côté auprès de son fournisseur, pour le faire livrer directement à son client.

Vous l’aurez compris : en l’absence de frais et de gestion des stocks, les marges potentielles sur ce type de vente semblent énormes ! Vendre une babiole bon marché achetée 3€ à un revendeur chinois, pour la faire payer 30€ à un client européen, le tout sans bouger de son fauteuil, bien calé devant son PC, ça fait rêver.

Si vous vous posiez la question : oui, cette pratique est parfaitement légale !

Mais dans la réalité, le dropshipping n’est pas l’eldorado que certains présentent : très forte concurrence, difficulté à faire connaître sa marque, arnaques… Beaucoup s’y sont cassé les dents et ont vite déchanté.

Le dropshipping dans le monde : vraiment en croissance ?

Il existe très peu de statistiques officielles concernant le marché du dropshipping, et il est donc difficile d’estimer sa croissance, que ce soit au niveau mondial ou national.

Pour sûr, le dropshipping est particulièrement répandu aux États-Unis, où le e-commerce représente un chiffre d’affaires de plus de 700 milliards de dollars en 2020.

En ce qui concerne la France, le e-commerce y est en progression constante depuis plusieurs années, avec un taux de croissance de +8,5% en 2020, pour 112 milliards d’euros de chiffre d’affaires.

Toutefois, si ces chiffres (ainsi que les nombreuses publicités des dropshippers – à la limite de la propagande) peuvent amener à penser que le dropshipping est lui aussi en forte progression au niveau mondial.

Si elle a bien connu ses heures de gloire entre 2010 et 2014, Jean-Baptiste Boisseau, fondateur du site signal-arnaque.com, expliquait récemment au Monde que cette activité « ne marche plus depuis au moins 5 ans ».

En ce qui concerne les fournisseurs des dropshippers, il s’agit la plupart du temps de grossistes asiatiques et notamment du géant chinois Aliexpress, mais pas que ! Certaines entreprises d’export européennes, telles que l’espagnole BigBuy ou encore l’italienne Griffati sont également très présentes sur le marché.

Pourquoi c’est un truc de beauf ?

Sur le papier, le dropshipping semble être l’idée du siècle pour se faire de l’argent sans faire grand-chose… Mais ça, c’est uniquement sur le papier. Disons-le clairement, le dropshipping est finalement une pratique pas ouf. Pourquoi ?

Le fantasme du « sans rien faire »

Si beaucoup se sont laissés tentés par le dropshipping, c’est évidemment pour ses promesses d’enrichissement facile. Ouvrir une boutique en ligne sur Shopify et « vendre » des produits chinois bon marché à des occidentaux trois fois leur prix de base ne demande aucune formation ni aucune compétence particulière, et ne nécessite quasiment aucun effort.

Mais comme toujours lorsqu’on vous promet de devenir riche « sans rien faire » : il y a embrouille. Le dropshipping n’est pas dénué de frais (vous devez payer un abonnement et des commissions à l’hébergeur de votre boutique), il est ultra-concurrentiel (des milliers de boutiques identiques vendant les mêmes produits aux mêmes prix sont créées partout dans le monde) et il implique d’investir gros dans la publicité et le marketing pour se démarquer.

Comme au casino, les seuls gagnants dans cette histoire, ce sont les proprios. À savoir, les hébergeurs de boutiques en ligne, les réseaux sociaux qui diffusent les publicités des dropshippers et les vendeurs de formations qui vous promettent monts et merveilles.

Après tout, si les grands gourous du dropshipping détenaient le secret pour faire fortune, pourquoi ne commencent-ils pas par l’appliquer eux-mêmes ? Tous comptes faits, la vente de formations en ligne pourrait bien être plus lucrative que le dropshipping lui-même…

En ne jouant que sur les volumes de vente et l’externalisation de la production, le dropshipper n’est finalement qu’un simple spéculateur dont la manne financière est par nature éphémère (la concurrence entre dropshippers ayant vocation à faire disparaître rapidement les opportunités de bénéfices). Et parce qu’il n’évalue ni la qualité de sa marchandise ni le niveau de satisfaction de ses clients, le dropshipper ne crée aucune valeur réelle pour la société.

Catastrophique pour l’environnement

Si en plus vous êtes sensibles aux enjeux environnementaux actuels et souhaitez agir au quotidien pour faire baisser les émissions de gaz à effet de serre, alors le dropshipping n’est vraiment pas fait pour vous.

Il est évident que faire voyager d’un bout à l’autre de la planète des produits manufacturés bas de gamme, fabriqués à la chaîne (qui plus est par des employés dont les conditions de travail ne sont pas toujours très respectueuses des droits des travailleurs…) consomme énormément d’énergies fossiles et génère de la pollution.

Aucune créativité, aucune valeur ajoutée

Pour finir, si beaucoup ont délaissé le dropshipping (parfois pour poursuivre leur voie dans le commerce en ligne, mais en acquérant des stocks et en proposant des produits artisanaux/à plus forte valeur ajoutée), c’est bien parce qu’il s’agit d’une manière très peu épanouissante et gratifiante de gagner sa vie.

S’il faut bel et bien quelques compétences en marketing pour se faire connaître (mais ce ne sont pas toujours les méthodes les plus éthiques qui permettent d’y arriver…), le dropshipper n’acquiert que très peu de compétences et n’apporte finalement que peu de valeur à l’économie globale de la société.

Attirant à première vue avec sa promesse d’argent facile quasiment sans rien faire, le dropshipping semble moins réjouissant vu de plus près, tant pour le vendeur que pour le consommateur. N’enrichissant finalement que les vendeurs de rêve qui en font la promotion et les sites d’hébergement de boutiques en ligne, c’est aussi une activité assez catastrophique d’un point de vue écologique. Pas mal de raisons de passer votre chemin et de laisser mourir le dropshipping : la planète vous dira merci.

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